451 : Rapport d’étape

Des nouvelles des 451 :

Bonjour, et accrochez-vous…

L’équipe à l’origine de l’Appel des 451 et des réponses à ses critiques (« La querelle
des modernes et des modernes ») a pris son temps après les rencontres
organisées à La Parole errante les 12 et 13 janvier.

Nous espérons que ces rencontres ont été riches pour toutes les personnes
présentes. Des exposés précis et incarnés ont été partagés par des
importateurs de papiers, imprimeurs, éditeurs, correcteurs, maquettistes,
universitaires, libraires, etc. venus de toute la France et même d’Espagne.
Les débats furent argumentés et animés – inattendus.

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Le principal bilan que l’on peut tirer de ces journées tient en deux points :

1.Le moral n’est pas dans les chaussettes. Les personnes présentes ont
témoigné d’un esprit combatif face au bluff qu’essaient de publiciser les
constructeurs de tablettes, liseuses et autres gadgets éphémères censés rendre
obsolètes les savoir-faire qui entourent l’existence des livres. La notion de
temps nécessaire à la qualité éditoriale, esthétique et matérielle d’une
production de livres a été vigoureusement réaffirmée. Le désir de conserver
des lieux, propices aux rencontres et à la consolidation d’un commun, a aussi
été mis en avant avec énergie (youhou !).

2.Ces journées ne furent qu’une première étape, qui ne peut qu’avoir des
suites. Au-delà d’un certain optimisme concernant la situation des métiers du
livre à court terme, des questions restent en suspens. Comment lutter
efficacement contre les conditions de travail mortifères proposées par les
grands groupes, tels qu’ils existaient depuis le siècle dernier et tels qu’ils
se transforment avec la « net économie ». Comment contrer la monopolisation
des capitaux, et, avec elle, des cultures ? Est-il souhaitable de créer une/
des structure/s commune/s d’entraide autour du livre ? Pouvons-nous imaginer
des structures de diffusion/distribution du livre qui ne soient pas simplement
des machines à sous ? Comment pouvons-nous créer des liens avec d’autres
métiers pour que nos luttes ne soient pas à l’avenir corporatistes ; bref,
comment replacer notre engagement particulier dans la question sociale ?
That’s the preguntas.

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Après le repos, le turbo : pour tenter de répondre à ces questions, nous avons
entamé plusieurs axes d’action et de réflexion, histoire de ne rien perdre de
la belle intensité des journées de janvier. De nombreuses rencontres sont
aussi prévues, auxquelles vous toutes et tous êtes invité.e.s pour avancer
ensemble sur la situation des métiers du livre :

1/ Des publications (livre + radio) des débats liés aux 451
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Une transcription exhaustive des discussions est en cours de réalisation, dans
l’optique d’éditer un petit livre compilant l’Appel des 451, La querelle des
modernes et des modernes et les débats de Janvier 2013. D’autres textes
européens, proches des problématiques soulevées par les 451 seront traduits et
ajoutés à ce recueil.
Un compte-rendu plus sélectif sera prochainement diffusé, sous forme de
documents sonores à partir des enregistrements réalisés lors des rencontres de
Janvier 2013.

2/ Fêter les métiers du livre
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Les 451 participeront à la Fête du livre et de ses métiers, les 12, 13 et 14
juillet 2013 à Lautrec, dans le Tarn. Débats, ateliers, concerts, spectacles :
une invitation avec le programme de cette fête est à télécharger ci-dessous :

Programme fête du livre

3/ Un manifeste européen
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Les textes des 451, l’Appel et La querelle des modernes et des modernes,
traduits en italien et en espagnol, circulent abondamment dans les milieux
concernés par la question du livre de l’autre côté des montagnes. Les 451 ont
donc pas mal bourlingué ces derniers temps. En avril, nous avons été invités à
Milan, par la librairie occupée de l’Ex-Cuem, à l’intérieur de l’université
Statale, pour participer à des Rencontres sur l’édition indépendante et la
diffusion de livres critiques. Enrichis de ces discussions, les 451
ont participé à l’organisation de Rencontres européennes sur l’édition
indépendante à Madrid, en mai dernier. Étaient présents des
imprimeurs, des correcteurs, des traducteurs, des auteurs, le groupe ODEI (120
éditeurs indépendants italiens ayant rédigé un manifeste commun que nous
sommes en train de traduire), le collectif Contrabandos (30 éditeurs
indépendants espagnols), Pluto Press (éditeur anglais), et pour la France :
les éditions La Fabrique, la librairie L’Atelier, etc. Ces journées madrilènes
ont débouché sur l’organisation de nouvelles rencontres européennes à Rome en
janvier 2014. D’ici là, chacun des participants a pour tâche de réaliser une
enquête sociale sur les métiers du livre, en vue de rédiger un manifeste
européen et de préparer des actions de communication, d’intervention ou de
mutualisation.

4/ Des rencontres régulières pour enquêter sur nos métiers
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Des réunions publiques seront tenues tous les premiers lundi du mois, à partir
de septembre 2013, à Paris, au Zabar (116, rue de Ménilmontant, métros
Ménilmontant ou Jourdain). Ces réunions seront ouvertes à toutes et tous et
auront pour but d’élargir le cercle des 451 pour préparer des actions
concrètes et affiner notre réflexion commune. Il s’agira également d’ouvrir
l’enquête sociale liée aux rencontres de Rome à toutes celles et ceux qui le
souhaitent. (Il est évident que si, ailleurs qu’à Paris, d’autres rendez-vous
sont organisés par des groupes locaux, ce serait une belle chose !)

5/ Une rencontre interprofessionnelle sur l’informatique et la gestion
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Les 451 participeront aux discussions d’« Écran Total, rencontre pour libérer
nos métiers de l’informatique et de la gestion » organisées les 4, 5 et 6
octobre 2013 à la Casa Poblano, à Montreuil (15, rue Lavoisier, métro
Robespierre). Nous vous invitons toutes et tous à nous rejoindre à cette
occasion, qui réunira des psychiatres, des psychanalystes, des éleveurs de
brebis, des menuisiers, des professeurs et instituteurs, des travailleurs
sociaux et des professionnels des métiers du livre pour échanger informations,
opinions et perspectives relatives à la transformation de nos métiers par les
logiques de l’évaluation, de la numérisation, du fichage et de
l’informatisation. La présentation de ces rencontres est à télécharger ci-dessous, et à la suite de ces nouvelles.

Ecran Total

En espérant, comme vous, l’arrivée du printemps,

Merci à toutes et à tous,

Les 451

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Présentation des Rencontres « Écran Total »

Savez-vous que, depuis 2010, les éleveurs de chèvres et de brebis sont tenus
de fixer des puces électroniques aux oreilles de leurs bêtes ? Certains
s’insurgent contre cette mesure qui renforce le pouvoir de l’administration et
du marché sur leur travail. Risquant de lourdes pénalités financières, ils ont
diffusé des déclarations publiques affirmant leur refus de pucer leurs bêtes
et de gérer leur troupeau par ordinateur comme un flux de matière première.

Savez-vous qu’en 2012, des personnes travaillant dans différents secteurs des
métiers du livre se sont réunies pour écrire « l’Appel des 451 », dénonçant,
entre autres, la concentration des capitaux et la déferlante technologique que
subissent le livre et ses métiers ? Derrière le bluff du « livre numérique »
se cache la réduction des langages et des expressions libres. Le collectif des
451 continue de se battre pour que le livre et ses métiers demeurent un lien,
une rencontre, un objet social, politique et poétique, entouré d’humains.

Savez-vous qu’en 2011, un groupe d’assistantes sociales de Seine-Saint-Denis a
dénoncé publiquement le fichage tous azimuts des personnes s’adressant aux
services sociaux et le recueil déchaîné de statistiques et de données
personnelles ? L’administration veut faire entrer dans leur travail des
démarches de rationalisation du temps, de l’écoute, des dossiers et des coûts.
à travers le boycott des statistiques, elles défendent le fondement même du
travail social : la relation d’aide, inestimable et non mesurable.

Savez-vous qu’en 2011, des médecins-psychiatres se sont opposés au Rimp
(Recueil d’informations médicalisées en psychiatrie), qui implique
l’enregistrement informatique de données personnelles concernant la vie privée
des patients soignés ? Ces médecins isolés ont soutenu leurs patients afin
qu’ils puissent exprimer par écrit leur consentement ou leur refus de
divulguer ce type d’informations.

Savez-vous que depuis 2006, des enseignants du premier degré et des parents
d’élèves s’opposent à la collecte centralisée systématique de données
nominatives concernant les enfants via le Répertoire national identifiants
élèves (ex-Base élèves) ? Ils soutiennent les directrices et directeurs
d’école qui, malgré les pressions et les sanctions exercées par leur
hiérarchie refusent de remplir ce fichier. Par extension, des professeurs du
secondaire remettent en cause la place grandissante du numérique dans les
établissements scolaires, que ce soit dans les pratiques d’enseignement
(ordinateur, tableau interactif, tablette tactile) ou dans la gestion
administrative (cahier de textes numérique, fichiers à données multiples mis
en ligne) ? Ils y voient l’aboutissement de la transformation de l’école en un
lieu où les élèves sont mis en conformité avec les exigences de l’économie :
travail et divertissement assistés par ordinateurs.

« Si tous les trésors du monde étaient déposés à mes pieds, et s’il m’était
donné de choisir entre eux et ma liberté, je choisirais ma liberté. » L’Émir
Abdelkader

« Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil. » Ivan Illich

La liste est longue de celles et ceux qui récusent l’influence de
l’informatique sur leurs pratiques socioprofessionnelles : un groupe
d’éleveurs par ci, une poignée de soignants par là, un enseignant ici. Les
refus de pucer des bêtes, de participer à l’enregistrement informatique de
l’intimité des personnes, ou de donner une forme numérique à un livre, peuvent
apparaître éloignés les uns des autres. Ils renvoient pourtant à une même
logique de déploiement de l’informatique, à des fins gestionnaires, qui touche
de nombreux métiers.

Cette logique réduit les marges de manœuvre, sape les poches de dignité que
beaucoup d’hommes et de femmes tentent de préserver au quotidien, en ville
comme à la campagne. Elle contraint à nous auto-évaluer, à prouver notre
utilité et à normaliser nos savoir-faire et nos relations aux personnes comme
aux bêtes que nous écoutons, soignons et rencontrons.

Il est difficile d’aller à contre courant de l’informatisation quand elle est
sans cesse présentée comme source de progrès, d’efficacité, de rapidité et
d’équité. Et pourtant nous la soumettrons à la critique parce qu’elle
transforme nos métiers et les relations que nous y tissons ; ces métiers que
nous avons choisis d’exercer parce que nous y trouvons du sens.

Nous préférons ouvrir en commun la question du « comment faire sans », et
imaginer un retour à l’éthique, à la protection de l’intime et de notre
dignité. Asseyons-nous autour d’une même table pour parler de nos pratiques et
de nos savoir-faire, de nos recettes et de nos espérances. Regroupons nos
livres, nos bêtes, nos patients, nos familles autour du foyer.

À terme, une question en forme de désir : Comment pouvons-nous nous unir pour
refuser les incessantes compromissions qu’on nous demande de faire avec
l’informatique ?

Nos métiers… à tisser

Nous préparons, de manière collective avec les personnes qui se manifestent au
fur et à mesure, un week-end d’échange afin d’approfondir les points communs
apparents entre nos métiers et d’élaborer des stratégies d’appui mutuel entre
ces différents groupes ou personnes.

Les rencontres débuteront le vendredi soir avec un accueil convivial des
participants, histoire de mieux nous connaître. Une première discussion aura
lieu sur la base des écrits respectifs de chacun, qui auront circulé les mois
précédents. Le samedi après-midi, une rencontre publique se tiendra avec des
récits de luttes sous forme orale ou théâtrale, pour ensuite discuter tous
ensemble. Le dimanche, on discutera entre autres des modalités d’une
solidarité entre les différents participants.

Ces rencontres sont organisées à l’initiative de : Faut pas pucer et d’autres
éleveurs réfractaires au puçage, le collectif des assistantes sociales et
secrétaires de Seine-Saint-Denis, le groupe 451 pour les métiers du livre, des
médecins-psychiatres opposés au fichage des patients, la branche roannaise du
syndicat des travailleurs de l’éducation de la Loire.

Contact : ecrantotal@riseup.net

(Un programme plus détaillé sera diffusé en septembre.)

Rendez-vous les 4, 5 & 6 octobre 2013 à la Casa Poblano, 15, rue Lavoisier Métro Robespierre 93100 Montreuil

A propos les 451

En 2012, des personnes travaillant dans différents secteurs des métiers du livre se sont réunies pour écrire un appel dénonçant la concentration des capitaux, l’industrialisation des professions, la séparation des acteurs et la déferlante technologique que subissent aussi les métiers du livre. Intitulé Appel des 451, le texte est paru dans Le Monde en septembre 2012, signé par des centaines de professionnels ou de lecteurs, reconnaissant là une base suffisante pour entamer des discussions sur l’avenir de nos métiers, des pratiques de lecture ou des bouleversements anthropologiques et sociaux qu’entraînent la gestion et l’informatique généralisées. Un second écrit, plus développé, répondait aux premières critiques, positives et négatives que le collectif des 451 a reçues suite à la publication de l’Appel. Ce texte, « La querelle des modernes et des modernes », tente de donner quelques pistes de réflexion pour penser l’actualité économique, sociale et technique de la chaîne du livre. Dans la perspective de mutualiser nos moyens, de créer des structures plus coopératives et de mener des actions et des réflexions, le collectif des 451 lance une invitation à participer à deux journées d’ateliers et de discussions autour de ces problématiques, les 12 et 13 janvier 2013. Y sont conviées toutes les personnes qui travaillent dans la chaîne du livre, tous les lecteurs et lectrices qui le souhaitent.
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